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mardi 30 janvier 2024

 


Fêtes figées

 

Ces oiseaux qui glissent et claquent

Et cassent l’or baroque des nuages ruinés,

Tournent sur nos charniers à en boucher l’aurore.

De leurs becs rapaces ils déchirent les âmes

Tout juste arrachées aux corps obscurs qui roulent dans des fosses,

Comme des poissons flasques sous des vagues de terre.

 

Nos pas prudents circulent au fil des années,

Et nous voyons courir sous leur glace troublée

De longs filets de sang perdu,

affluents ténus des énormes massacres

Qui creusent sous nos villes des gouffres affamés.

 

Et sous ces fleuves écarlates, les néons blêmes des comptables,

Les labyrinthes électroniques, les bordels de plastique,

Les exosquelettes de bonne coupe, avec des escarpins et des cravates,

Et les enfants volés qui tremblent dans des cages. 

L’enfer qui nous prend tous, et nous garde, et nous classe,

Nous tamponne et nous range en liasses ficelées.

 

Ces mufles et ces masques, ces dents et ces yeux morts,

Les lèvres maquillées des cadavres vivants,

Et leurs langues verdâtres, et leurs fesses difformes,

Tout l’affreux carnaval que nous déploie Satan,

Vous ne le voyez pas ? Le verrez vous demain,

Déjà trop loin des anges,

Au pays immobile des étoiles éteintes,

Du fracas sans musique et des fêtes figées?

 

dimanche 21 janvier 2024

L’oeil clos

 


 

 


A l’écheveau gris des nuées,

Se prennent des croix de lumière,

L’année referme sa paupière,

Sur des éclats d’or et de feu.

Au revers rouge des yeux clos,

Pulsent des astres bleus.

 

Avoir tout vu pour ne plus voir

Les souvenirs blancs par milliards

Jaillir du coeur, exorbités,

Quand s’entrechoquent les échos

Jaunes du vide écartelé.

 

Et voici l’oeil bien fermé,

La nuit profonde et ses flocons,

Qu’il est sourd le jour effacé

Dans ses blancs et mouvants haillons.

 

On ne peut croire qu’à nouveau,

S’ouvrira le regard solaire

Ecarquillé sur l’été d’or,

On ne peut croire qu’il fera beau,

Qu’infiniment l’azur de verre

Bercera l’âme des morts.

 

jeudi 4 janvier 2024

Guerriers glacés


 

 

Le soleil jouant avec les feuilles

Les traverse et s’y admire,

Et les enflammant, les recueille

Dans le creux de ses mains de cire.

 

Il met au ciel des bébés blancs,

Baignés d’azur et somnolents,

Que bercent de grandes vapeurs

Drapées d’ombres et de lueurs.

 

Au gouffre aveuglant de son coeur,

Virent éblouis de lents oiseaux,

Leurs cris percent l’espace en haut

De son escalier de couleurs.

 

Puis la pluie vient tout effacer,

Mais dans ses franges de cristal,

La lumière nous va tracer

Un bel arc-en-ciel estival.

 

Au couchant des guerriers glacés

Font des chemins de sang vermeil

Qu’on suit d’un regard éploré,

Sur terre où meurent leurs pareils.

 

La maison d’Ania


 


 

L’humble maison d’Ania jette à l’azur ses fleurs,

Les pétales bouclés de ces grandes vapeurs

Que la lumière déchire et le vent foule aux pieds,

Nonchalant vagabond, vers midi tard levé.

 

La maison sied si bien à tout ce qui l’entoure,

A mon jardin sauvage étendu par devant,

Aux grands nuages fous qui là-haut, chassent à courre,

A coups de rayons d’or les daims bleus du printemps.

 

Et tout serait si bien, entre nous, par ici,

N’étaient le bruit grossier et la laideur rampante

Des mutants d’aujourd’hui, de leurs affreux logis

Tombés brutalement sur ce qui vit et chante.

 

Ceux-là n’entendent pas les souffles qui, dit-on,

Louent le Seigneur sans trêve en tous lieux de ce monde.

Leur sot tohu-bohu bétonne tous les sons

Qui laissent dans les coeurs cette semence blonde

Dont la moisson céleste a lieu dans l’au-delà :

Les signes de la vie qui relient ici-bas

Chaque être qui naquit à la Source profonde.

Ville morte

 

 


Sous son triste étendard, endormie dans ses ruines,

La ville nonchalante et déserte rumine

Le souvenir latent de son charme passé,

Et celui plus cuisant des crimes inexpiés.

 

Paysans et marchands, prêtres et officiers,

Mêlant leurs sangs divers dans les mêmes fossés,

Hantent encore parfois ces rues mélancoliques,

Où leurs maisons blessées ont laissé ces reliques.

 

Et l’on pourrait saisir, dans le cri des mouettes,

Les plaintes déchirées des filles assourdies,

Qui couraient sur la grève après toutes vos têtes,

O guerriers fauchés par des lames salies.

 

Dans les rues sans issue glissent des pas d’enfants,

Cherchant les cailloux blancs des destins saccagés.

Ils lèvent au ciel vide des yeux exorbités,

Guettant les messagers des espaces béants.

 

Aux fenêtres des ans, leur jeunesse se lasse,

Sans porter de fruits d’or ni déployer ses ailes,

Leurs lendemains sont sourds et leur présent se casse,

L’éternité s’enfuit loin de leurs âmes frêles.

 

Il est temps de sourire aux anges de passage,

Qui traversent brillants les gouffres de la nuit,

Il est temps d’appeler de tous vos coeurs flétris,

Les lumineux oiseaux qui portent leur message.

 

J’entends leur bruissement et je suis leur trajet,

A travers notre bruit, leur silence fatal,

Sous la suie de nos jours, leurs radieux secrets

Dont nous avons souvent perçu l’éclat si mal.

 

Quand la chair de la vie fondra dans le néant,

De trouver des issues il ne sera plus temps,

Des ombres, des esprits,  des démons et des anges,

Rien ne cachera plus les présences étranges.

 

Les animaux errants, cherchant leurs maîtres morts,

Les beaux arbres tranchés et les fleurs piétinées,

Surgiront à nouveau sur les quais de ces ports,

Où titubent sans but les âmes aveuglées.

 

Elles se souviendront, levant haut leurs grands bras,

Des danses égarées sur les places sanglantes,

Des discours insensés, des fêtes indécentes,

Des églises brûlées sous des cieux pleins d’effroi.

 

 

jeudi 14 septembre 2023

Persécution

 

 

Un à un, ils les lient, les prennent, les enferment,

Et nul coeur ne perçoit, dans le tohu-bohu,

Les chants ni les sanglots, ni les paroles fermes

De tous ceux qui, là bas, suivent encore Jésus.

 

Ils n’étaient pas tous saints, mais les voilà martyrs,

Arrêtés, molestés, honnis, vilipendés,

Priant sur les parvis des temples profanés,

Et les veillant sans trêve au risque de périr :

 

Princes de la vraie foi, dans leurs atours dorés,

Défenseurs sans armée de la sainte Russie,

De tous côtés trahis, calomniés, méprisés,

Leurs cierges brûlent clair dedans l’arche meurtrie.

 

A sa proue vermoulue, dressés sur l’océan

Des larmes et du sang de tous temps répandus,  

Ils fixent de la Croix le reflet éblouissant

Que dans la nuit qui vient nous a laissé Jésus.

 

Depuis le brouhaha bigarré des bazars

Où les âmes vendues s’échangent pour pas cher,

On leur lance la pierre et l’on ricane, car

De trops légers esquifs ne prendront pas la mer.

 

Mais vogue l’arche bleue sur les vagues obscures,

Où de leurs derniers feux, ils jettent des étoiles,

Et que l’or chatoyant de ses antiques voiles

Porte des grandes voix les ultimes murmures.                   

jeudi 24 août 2023

L’ombre des astres

 


 

Sur la France fleurdelysée

Tombe un manteau de nuit bleutée,

Au ciel des astres obscurcis,

On cherche en vain l’éclat enfui.

 

Des gnomes nous les ont éteints,

Dans le sang, la boue puis l’ordure,

Ils ont mis les filles au tapin,

Les garçons dans la pourriture...

 

La pourriture des guerres sans fin

Et des orgies contre-nature,

Au nom de ces faux lendemains

Dont l’illusion toujours perdure.

 

Au nom de grands mots trop abstraits

Dont le sens élimé révèle

L’inanité de leurs projets

Qui nous ont tous volé nos ailes.

 

Et dans le ciel on cherche en vain

Des constellations la lumière,

Des astres morts ne nous provient,

Que la ténèbre de la guerre.

 

Partout des lueurs vénéneuses

Partout l’enfer et son tumulte.

Partout d’amères Bételgeuses

Chutent sur l’autel de son culte

Dormir à mort

 

Chocha


 

Mourir de trop dormir, sombrer dans l’au-delà

Comme au fil d’un rêve dont on ne revient pas,

S’éteignent tes yeux, s’engourdissent tes pas,

Mais dans la nuit qui vient, tu ne connais que moi...

 

Ma princesse mitée qui fut si ravissante,

Dans tes bottines blanches et ton manteau d’argent,

Je te vois t’en aller, toujours plus somnolente,

Toujours plus chancelante aux marges de tes ans.

 

Et moi-même bien lasse et si souvent blessée

Je prie Dieu d’accorder à ma vie les années

Qu’il faut à tous mes chats pour mourir dans mes bras,

Qu’il faut à mon vieux coeur pour remplir son contrat.

 

Tu titubes parfois jusqu’à notre jardin,

Où tu marches aveugle et te couches soudain,

Au soleil bienveillant, dans le fil de l’air frais,

Pour saisir de la vie les ultimes bienfaits.

 

Et moi-même rêvant devant le ciel ouvert,

Je cueille de mes jours les dernières beautés.

Où t’en vas-tu, la vieille, à présent précéder,

Ta déesse chenue dans l’immense univers ?

 


Discernement

 


 


Par delà les ramures aux tresses d’or lâchées

S’ouvrent ces gouffres bleus,

Et par delà, que sais-je?

Car cet azur n’existe encore

Qu'au revers de mes yeux,

Déversant en mon coeur des nuées fracassées,

Des êtres étranges, grandioses et muets,

De calmes et vastes feux allumés tous les soirs

Où la nuit en silence forge et jette ses astres

Que je cueille parfois du regard sur le seuil.

 

Est-ce là mon trésor, est-ce là mon salaire?

Sont-ce là mes bagages?

La feuille arrachée,

La fleur piétinée

La lune abandonnée,

Et le chant des oiseaux que personne  n’écoute,

Et ceux-là qui sont sourds au vent discret qui passe

N’entendent point sonner les tambours de l’horreur,

Et ceux-là dont la lune ne touche pas le coeur

Ne peuvent discerner le bon grain de l’ivraie,

L’ange du démon, le roi de l’imposteur,

Le chant du boniment,

La pure vérité du mensonge éhonté.

 

Petit tambour

 


 

Petit tambour qui va battant

Ton coeur au pas de tes vieux jours,

Cela fait vraiment trop longtemps

Que tu défiles à rebours.

 

Souffle le vent,

Souffle le vent

De beaux enfants

Vêtus de blanc.

 

De guerre en guerre te voilà,

Toujours sanglant et rutilant,

Autrefois sur les pas du roi

Céans sur ceux d'un président.

 

Gronde tonnerre,

Gronde tonnerre,

Dessus la terre

Et ses jachères.

 

Sors donc mon cher de ta tranchée,

Avec ton grand troupeau de morts,

Mène-les dans les empyrées,

Veiller des anges les trésors.

 

La vie se meurt,

La vie se meurt,

Met fin Seigneur

A nos malheurs.

Les oiseaux

 


Les rides calmes du ciel, immobiles, s’étirent,

Sur les toits gris penchés et les bouleaux verdis.

Langée par le soleil dans l’air frais d’aujourd’hui,

J’écoute les oiseaux, ils ont tant à me dire...

 

Leurs mots ténus et clairs qui brodent le silence

N’ont pas d’équivalent dans notre bas langage,

Et composent entre eux, venus du fond des âges,

Les signes ethérés de mystérieuses stances.

 

Pour parler avec eux, le coeur a ses élans,

Secrets et religieux, délicats et fervents :

Le berce le vent pur

Se glissant dans l’azur,

Comme un corps dans l’eau lisse

Et plate des abysses,

D’où montent les poissons,

Où coulent les étoiles,

Où les nuages vont

Laver leurs lourdes voiles,

Où le lait des lueurs

Célestes s’évapore,

Où se fanent les fleurs

Des astres qui se dorent

Au feu des origines,

Quand de partout nos ruines

N’annoncent aucun regain.

 

Le lac au ciel profond laisse encore dériver

Légers et lumineux d’intermittents nuages

Que la brise en jouant poursuit sur son passage,

C’est dans le nord surpris le triomphe de mai.

 

Comme au loin s’épanouit le chant du rossignol,

La corolle fragile au bois sombre blanchit ;

De mille yeux regarde, au ciel et loin du sol,

Le poirier tordu les mouvements éblouis

De vapeurs pensives qui s’étirent sans bruit.

 

 

Le triomphe des nains


 

Partout va s’infiltrant la laideur rampante

Du prince de ce monde aujourd’hui triomphant.

Partout s’en vont rôdant les démons qui nous hantent

Et plus rien ne demeure de la beauté d’antan.

 

Des anciennes splendeurs nos esprits sont déserts,

Froides cryptes privées de ces secrets trésors

Que nous ont dérobés tous ces êtres pervers,

Venus en ricanant pour nous jeter dehors.

 

Dehors de nous-mêmes, de nos âmes vendues,

Nous tenant prisonniers au filet noir des rues,

Dans des villes fermées qui perdent la mémoire,

La forme et la beauté qu’avaient léguées l’Histoire

Aux descendants hagards des anciens bâtisseurs.

 

Rien de glorieux ici, tout est sale et boueux,

Tout se passe en coulisse au delà des mots creux.

Les étendards dorés, les épées de lumière,

N’ont plus cours ici bas, dans cette vile guerre. 

 

Mais l’oeil du lac profond me prend dans son regard,

Ouvert sur l’infini, sur les astres penchés,

Entre le plat présent et les gouffres passés,

Nous n’avons plus de cher que les cris du hasard.

Je scrute les reflets aux tréfonds du miroir,

De sa mémoire lisse aux fantômes sévères :

Les guerriers disparus qui, sur un fond d’icône,

Défilent dans la pourpre et l’or des feux solaires,

Se perdant au delà de cette étrange zone

Où le ciel avec l’eau se confond en saignant.

 

Le triomphe des nains pue l’acide et la gnôle,

Se parant de couleurs qui n’ont pas lieu chez nous,

Jouant à grands fracas de bien sinistres rôles

Dont les âmes perdues suivent sans garde-fous

Les délires clinquants dans la nuit sans matin

Et reniant hier, n’ont plus de lendemain.

 

Mars

 


Du désordre de Mars, rayonnant et paisible,

Naissent aux branches nues d’étranges fruits d’azur.

C’est la guerre, là bas, le tumulte des armes,

Mais mars en sa débâcle, sur le jardin figé,

Déploie l’ogive d’or de ses ailes tranquilles,

Le pressentiment bleu des fêtes printanières.

A quoi bon démontrer, crier dans le fracas

Des cent gueules béantes de l’enfer déchaîné ?

 

Et l’on pourrait oublier ici,

Sur l’orbe lisse du lac resplendissant :

Tout est si calme au fil des rues,

On pourrait croire

Que rien n’arrivera jamais,

Hormis les floraisons ultérieures...

 

Sur une façade les héros

Semblent vivants,

Dans le cadre de leurs photos,

Sous les drapeaux,

Sur les fleurs mortes.

 

Mais ils gisent dans leurs tombeaux,

Ils n’auront pas fait de vieux os,

Ces beaux garçons qui nous sourient.

Ils auront eu parfois le temps

De laisser sur terre des enfants

A ceux qui restent et qui prient.

 

La faux s’abat sur les meilleurs,

C’est l’ultime moisson des justes,

Que les anges plient dans les langes

De la Résurrection promise.

Fête des nouveaux martyrs de Russie

 

 

 

 Brûlantes verdures aux feux exubérants,

Aux reflets pétillants sous la brise étendue,

J’écoute en reposant vos doux chuchotements

Et vos incantations distantes et ténues

 

Mon âme ressassant  des regrets éplorés

S’attarde en ce corps lourd que la vie tente encor,

Répandant sous mes yeux ouverts tous les trésors

Que jamais je n’ai su sagement mépriser.

 

L’enfant vivace en moi n’a pas pu se lasser

Des splendides visions qu’offre à chaque moment,

L’existence enivrée de sa propre beauté,

L’ombre avec la lumière enlacées s’embrassant.

 

Splendeur des fleurs brassées sous le grand ciel ébloui,

Dont je guette en rêvant les pensées allusives,

Qui vont à petits pas errantes et furtives,

D’est en ouest suivant des trajets infinis.

 

Sonne le glas doré de nos nouveaux martyrs,

Sur le cœur ravagé de la sainte Russie,

Dans quel état serai-je au moment de partir,

Quand l’Archange viendra m’arracher à la vie ?

 

Le Seigneur mettra-t-il  quand même à mon crédit

Le cœur bien défendu de ma solide enfance ?

L’enfance est le seul bien que j’ai gardé pour lui,

Au fil trouble des pleurs, avec grande constance.

 

Me faudra-t-il périr en confessant ma foi,

Bien trop faible lumière en mon âge avancé,

Pour racheter les ans bêtement dépensés

En prenant des martyrs la couronne et la croix ?

 


 

lundi 21 août 2023

Coeur antique

 


 


Sans doute tout cela n’aura-t-il pas ailleurs

Cette même importance...

Sans doute verrons-nous au fond de notre coeur

La fin de notre errance.

 

Mais j’aime à regarder jouer dans les feuillages

L’or lassé du soleil qu’use la fin d’été,

L’eau lisse qui s’écharpe aux roseaux du rivage,

Les nuées dédoublées dans son miroir brisé.

 

J’aime d’un coeur antique la beauté profanée,

Le livre de la vie, ses pages déchirées,

Je cherche avec ferveur nos souvenirs perdus,

Nos sagas oubliées et nos princes déchus.

 

J’aurai toute ma vie déchiffré l’alphabet

De notre science infuse,

Aux gouffres révolus trouvant l’éternité

Loin des idées confuses..

dimanche 6 août 2023

Un aigle mort

 


 

Son œil d’aigle me suit au travers des années,

Depuis longtemps ses os reposent sous la pierre,

Depuis longtemps déjà il n’est plus rien sur terre,

Son œil d’aigle me suit au travers des années.

 

Il s’approche de moi sur ma couche déserte,

Cherchant l’illusion de pouvoir satisfaire

Ses sens et les miens demeurés en alerte,

Il voudrait m’enlacer et ne peut plus le faire.

 

Garder après la mort cette faim de la chair,

L’orgueil du puissant alors qu’on n’est plus rien,

C’est là sans doute en quoi consiste son enfer,

Dieu veuille l’empêcher d’en faire aussi le mien.

 

Dieu veuille user de moi pour émouvoir son âme,

En donnant à mon cœur la lumière qu’il convient,

Que mon propre salut soit le début du sien,

Nous embrasant enfin dans une unique flamme.

 

Chanson cosmique

 

 

 

Morceaux épars de lumière blanche

Qui flottent bleutés sur l’azur,

A la recherche d’avalanches,

Croulant aux pieds du ciel trop pur,

 

Sous les oiseaux pressés qui passent,

En jetant des ombres blessées,

Sur le jardin vert où se lassent

Des fleurs déjà presque fanées,

 

De quel corps céleste êtes-vous

Le rêve ou le lointain projet,

De quel esprit les songes doux,

Les jeux confus ou les secrets ?

 

Que médite le Créateur

Au ventre lourd de l’univers,

Brassant des astres les ardeurs

Dans le lait bleu des fleuves d’air ?

 

Où m’emmènent ses mains fermées

Sur l’effroi de mon coeur marri,

Qu’il emporte au sein des nuées,

Encore palpitant et surpris ?

 

Comme un papillon chamarré,

Dérobé par l’enfant ravi,

Comme un passereau capturé,

Que le vent fit tomber du nid...

 

Aura-t-il de moi compassion

Quand au fil de l’éternité,

Je plongerai dans les éons,

De son oeil d’or sur moi fixé ?

 

 

 

 

 

 

Défilé de lions

 



Sur le drap bien tiré du ciel gris

Défilent des fumées sombres

Venant à petits pas précis

Border le soir dans la pénombre.

 

Toute la journée sous la pluie

Le jardin repliait ses fleurs

Qui toutes froissées et marries

Répandaient pétales et pleurs.

 

L’été ne tient pas ses promesses

De chaleur et d’abandon,

Il nous prive de ses caresses

Entre deux hivers sans raison.

 

Comme tout un chacun trahit,

Autour de notre chère épave,

Voilà que le beau temps s’enfuit

Loin de sa courageuse étrave.

 

Mais qu’importe ? Au ciel obscurci,

Passent muets des lions d’or

Qui vont emporter dans la nuit,

De notre coeur, les grands trésors.

 

Quel silence dans ce cortège

Que de clarté dans ces crinières...

Au pré d’azur ridé de beige

Des fauves roux se font la guerre.

mardi 4 juillet 2023

Bref instant

 



 

Le bonheur d’exister, aquarelle fugace,

Aux couleurs délavées que le temps nous dérobe,

S’esquisse à chaque instant de notre course lasse,

Des premiers clairs regards dans les plis de ta robe,

Parfumée, chatoyante, ô merveilleuse Terre,

Jusqu’à ces derniers jours de la vieillesse amère,

Qui nous laisse rêver aux souffles du printemps,

Hagards et suspendus en ce fixe moment

Où notre vie s’étire, avant de s’effacer,

Nous laissant jouir enfin du matin retrouvé,

De notre enfance enfuie, des moments éternels.

Le vent qui passe encore et la fleur épanouie,

Et l’étoile qui luit dans la nuit infinie,

Du lointain rossignol le mystérieux appel,

Le chant méditatif et l’extase sereine

Qui mettent en nos coeurs la douceur et la peine.

Automne nordique

 


L’automne transparent

Semant ses monnaies d’or,

Comme aux sacres d’antan

Nous déploie ses trésors.

 

Et sur le ciel lavé

Passe un air déjà froid

Qui s’en vient préparer

Le retour des frimas

 

Et les frêles bouleaux

Aux diadèmes dorés

Se lancent des oiseaux

A partir déjà prêts

 

De tristes fleurs s’en vont

Frileuses et fanées

Des beaux jours moribonds

Déjà bien endeuillées.


Mon automne s’étire

Tardant à me laisser

Et chaque jour empire

Notre monde écharpé.

 

L’hiver qui nous arrive

N’aura pas de printemps

Sinon sur l’autre rive

Qu’il faut gagner à temps.

 

Trompette archangélique

Sonne donc au plus tôt

L’avènement mystique

Qu’attend notre troupeau

 

Ouvre tes grandes ailes

Michel au glaive d’or

Que renaisse sous elles

La terre mise à mort.