Fêtes figées
Ces oiseaux qui glissent et claquent
Et cassent l’or baroque des nuages
ruinés,
Tournent sur nos charniers à en
boucher l’aurore.
De leurs becs rapaces ils déchirent
les âmes
Tout juste arrachées aux corps obscurs
qui roulent dans des fosses,
Comme des poissons flasques sous des
vagues de terre.
Nos pas prudents circulent au fil
des années,
Et nous voyons courir sous leur
glace troublée
De longs filets de sang perdu,
affluents ténus des énormes
massacres
Qui creusent sous nos villes des
gouffres affamés.
Et sous ces fleuves écarlates, les
néons blêmes des comptables,
Les labyrinthes électroniques, les
bordels de plastique,
Les exosquelettes de bonne coupe,
avec des escarpins et des cravates,
Et les enfants volés qui tremblent
dans des cages.
L’enfer qui nous prend tous, et nous
garde, et nous classe,
Nous tamponne et nous range en
liasses ficelées.
Ces mufles et ces masques, ces dents
et ces yeux morts,
Les lèvres maquillées des cadavres
vivants,
Et leurs langues verdâtres, et leurs
fesses difformes,
Tout l’affreux carnaval que nous
déploie Satan,
Vous ne le voyez pas ? Le
verrez vous demain,
Déjà trop loin des anges,
Au pays immobile des étoiles
éteintes,
Du fracas sans musique et des fêtes
figées?