Un à un, ils les lient, les
prennent, les enferment,
Et nul coeur ne perçoit, dans le
tohu-bohu,
Les chants ni les sanglots, ni les
paroles fermes
De tous ceux qui, là bas, suivent
encore Jésus.
Ils n’étaient pas tous saints, mais
les voilà martyrs,
Arrêtés, molestés, honnis,
vilipendés,
Priant sur les parvis des temples
profanés,
Et les veillant sans trêve au risque
de périr :
Princes de la vraie foi, dans leurs
atours dorés,
Défenseurs sans armée de la sainte
Russie,
De tous côtés trahis, calomniés,
méprisés,
Leurs cierges brûlent clair dedans
l’arche meurtrie.
A sa proue vermoulue, dressés sur
l’océan
Des larmes et du sang de tous temps
répandus,
Ils fixent de la Croix le reflet éblouissant
Que dans la nuit qui vient nous a
laissé Jésus.
Depuis le brouhaha bigarré des
bazars
Où les âmes vendues s’échangent pour
pas cher,
On leur lance la pierre et l’on
ricane, car
De trops légers esquifs ne prendront
pas la mer.
Mais vogue l’arche bleue sur les
vagues obscures,
Où de leurs derniers feux, ils
jettent des étoiles,
Et que l’or chatoyant de ses
antiques voiles
Porte des grandes voix les ultimes
murmures.