Chaque lendemain qui s'annonce est une aube éventuelle, et à l'issue de tous ces jours, du crépuscule de la vieillesse où leur succession m'entraîne, j'aspire à l'aube éventuelle du jour éternel. En attendant, je crée, je pense, j'aime, je contemple, je chante, je prie. Je travaille. Je perds du temps, comme je perds de l'argent, d'ailleurs le temps, dit-on, c'est de l'argent et je n'ai jamais su gérer ni l'un ni l'autre. Pourtant, l'argent, je n'en manque plus trop, il tombe tous les mois, mais c'est précisément de le gagner qui me fait perdre tout mon temps. Il semble difficile de gagner à la fois du temps, et de l'argent. Et je serais beaucoup plus avare de mon temps que de mon argent, si je savais être avare.
Dans mon adolescence, j'avais vu un film russe qui m'avait fait verser des torrents de larmes: "la ballade du soldat." Le soldat perdait tout le temps de sa permission à aider les uns et les autres et il ne lui restait plus que deux minutes pour embrasser sa mère, qu'il ne devait plus jamais revoir. Qu'y a-t-il gagné? Peut-être l'éternité...